Hommage à mon épicier..

Hier j'ai appris que Carrefour allait s'installer à Alger.. de prime abord ça avait l'air d'une bonne nouvelle et puis j'ai réfléchi un peu car je sais que j'arrive jamais à me faire une bonne opinion du 1er coup..

D'un côté, il y a l'Algérie qui s'ouvre à l'étranger, et ça c'est plutôt bien dans l'absolu. Les capitaux étrangers rentrent enfin dans un marché scélorésé par des années de communisme puis de guerre et ça aussi ça a l'air bien.

Mais d'un autre côté, il y a toutes les réalités et les spécifités de notre cher pays qui viennent ébranler ce bel esprit d'ouverture.. Je pense à notre économie locale, qui importe déjà tout ce qui se vend sur le marché du cube Knor aux serviettes nana.. je pense aux quelques entreprises locales qui produisent encore des choses et qui mettent la clé sous la porte les unes aprés les autres..

Mais avant tout je pense à Hamid mon épicier estival attitré. Les épiceries pululent à Oran, pour vous dire rien que dans mon pâté de maison il y en a déjà 4. Pourtant il n'y a que Hamid chez qui je m'approvisionne, même s'il est fermé je n'ai pas besoin d'aller à la concurence, il suffit que je sonne à sa porte pour que mon envie de flash coca de minuit soit imméditement assouvie..

Si je l'ai choisi c'est pas pour rien, il est le seul à vendre du camembert tassili et du fromage fondu la vache joyeuse, lui seul a encore du chocolat les ambassadeurs et des yaourt dahra... tous ces produits aux emballages certe douteux mais au goùt unique, ces produits qui me replongent en enfance, qui me manquent toute l'année et qui font que je passe la plupart de mes vacances à manger!

Hamid me fait crédit tout le temps et même quand j'ai de la monnaie, il faut toujours qu'il glisse un truc gratuit dans mon panier. Quand j'ai trop de bouteilles à porter il ferme sa boutique pour les déposer jusque dans mon frigo. Il me raconte des blagues quand je vais pas bien, et m'appelle sa princesse. Je passe chez lui tous les matins chercher une baguette de pain et ma mona du petit dèj, et on en profite pour prendre un café, il me raconte toujours les mêmes histoires de quand il était au maquis, de la fois oû il est parti à Marseille (dans les années 70 au temps où les algériens pouvaient encore prétendre à l'obtention d'un visa touristique), le mariage de sa fille avec un crétin d'islamiste, des histoires racontées mille et une fois sous autant de versions différentes, moi je prends mon air passionné à chaque fois parce que son café est exceptionnel et qu'il ferme sa boutique exprés pour que je puisse me tuer les poumons en paix.

L'été dernier Hamid avait dû se mettre lui aussi à l'heure des produits importés, pour essayer de contrer la concurence des autres épiciers, il présentait lui aussi des danones et du crunch. Mais il m'avait expliqué qu'il pouvait pas en acheter beaucoup car il n'avait pas assez d'argent pour ça, du coup son approvisionnement hebdomadaire de produits étrangers était sans doute moins important que notre caddy du samedi aprés midi.

Bientôt Hamid et même ses concurents devront fermer définitivement leur boutiques face à la puissante d'approvisionnement des grandes chaines étrangères, les algériens iront tous faire leurs courses à carrefour, et face aux caddy et aux caissières qui font la gueule, ils comprendront vite ce qu'est la galère des peuples développés..

Tout ça pour dire que finalement je suis pas du tout contente d'apprendre que Carrefour va se faire encore plus d'argent sur le dos des consommateurs algériens et au détriment du commerce et de l'industrie locale.

Et s'il le faut et bien oui je revendique le droit au sous développement!