9.11.05

Quelques réactions..

Les Français piégés par leur moi national, par Alain Touraine
LE MONDE 07.11.05 16h36 •

Un changement profond s'est réalisé en France, en peu d'années. Pendant un long moment, on a pu parler d'intégration des enfants ou petits-enfants d'immigrés. Cette phase a connu des échecs autant que des réussites, mais elle a créé des espoirs durables. Depuis une décennie au moins, nous vivons au contraire dans une phase de désintégration, marquée par le rejet des groupes minoritaires, par la fermeture de ceux-ci sur une défense communautariste et par le recours croissant à une violence qui traduit l'incapacité de la société française à changer de modèle culturel. Ce renversement de situation a été si rapide qu'il a été peu et mal perçu.

Dans le domaine du logement, l'épuisement du rôle intégrateur des habitations à loyer modéré (HLM) a provoqué une croissante ségrégation. Sur le plan de l'emploi, le chômage frappe plus lourdement les jeunes. Et il existe une discrimination notoire contre les jeunes issus de l'immigration. L'école n'a pas été capable d'abaisser les obstacles à l'intégration, car sa conception de l'enseignement comme séparé de l'éducation ­ - c'est-à-dire de la prise en compte des caractéristiques psychologique, sociale et culturelle de chaque individu ­-, aboutit, qu'on le veuille ou non, à ne pas aider ceux qui en auraient le plus besoin. Cette dégradation est plus marquée en France qu'ailleurs. D'une part, parce que le réseau des relations de proximité s'est rompu plus complètement en France qu'en Italie ou en Allemagne, et, d'autre part, parce que l'intégration y a toujours été pensée en termes plus forts, ce qui a beaucoup d'aspects positifs mais rend aussi la désintégration plus grave.

Le républicanisme français s'identifie à l'universalisme, ce qui entraîne le plus souvent le rejet ou l'infériorisation de ceux qui sont "différents". Ces obstacles à l'intégration ont des causes profondes. Nous sommes loin d'avoir effacé les traces d'un long antiféminisme. Nous sommes marqués par une tradition coloniale. Nous avons aussi beaucoup de peine à comprendre que l'islam, comme le dit si bien la sociologue Nilufer Göle, est dans la modernité et non pas, tout entier, enfermé dans un passé prémoderne.

Le refus français des différences a aussi des raisons positives : rejet du communautarisme et défense de la citoyenneté. Ces positions sont très majoritaires en France ­ - on l'a vu au moment du débat sur la loi qui interdit à l'école le voile islamique et les autres signes d'appartenance religieuse. J'ai partagé cette position et je continue à la défendre. Mais ce refus du communautarisme doit s'associer à la reconnaissance des différences. C'est-à-dire au droit de chaque individu de vivre dans le respect de ses appartenances culturelles. En particulier, en associant toujours la liberté des organisations religieuses et la liberté religieuse des individus.
Le risque est grand que les mesures de répression, qui relèvent de la responsabilité de l'Etat, renforcent un discours "sécuritaire", lequel rend encore plus difficile la perception de la réalité.

Les Français ont besoin, au contraire, de réfléchir sur les raisons pour lesquelles ils sont mal préparés à comprendre la crise actuelle, en risquant ainsi de l'aggraver. Il n'y a pas que les individus "défavorisés" qui ont besoin d'un changement d'attitude à leur égard. La France comme société peut devenir une menace pour elle-même si elle ne parvient pas à combiner intégration et différences, universalisme et droits culturels de chacun, en dépassant l'opposition d'un républicanisme chargé de préjugés et de communautarismes chargés d'agressivité.

Assurément, l'amélioration de l'emploi et le rétablissement des relations de proximité sont importants. Mais c'est à un niveau plus général, celui de la représentation de la société française par elle-même, que se situent les causes les plus profondes de la violence et de la désintégration. Il faut que, dans tous les secteurs de la vie nationale ­ - de l'enseignement aux services sociaux, de la police aux autorités municipales ­ - soit remis en question l'idéal que les Français se sont créé pour eux-mêmes.

Il n'est plus acceptable de penser et d'agir comme si la France était le dépositaire des valeurs universelles, et avait le droit, au nom de cette mission, de traiter comme inférieurs tous ceux qui ne correspondent pas à ce moi national idéal. La fausse conscience des Français quand ils parlent d'eux-mêmes explique la faible ouverture de la société aux sciences sociales. C'est, pourtant, de ce côté-là que peuvent venir les analyses qui aideront à sortir du cercle vicieux de l'exclusion, de l'enfermement communautaire et de la répression.

Alain Touraine, Sociologue.

* Enfin un article du Monde qui fait plaisir!

* Quelques réactions algériennes qui soulèvent un point dont on parle peu, une fois de plus la crise va profiter aux intégristes musulmans, pire c'est même la république qui les appelle! quand on s'adresse à des jeunes révoltés au travers d'institutions religieuses, il ne faut pas s'étonner si demain on récolte des attentats au lieu des carcasses de voitures.. et là on décrètera quoi? L'état de siège??!

La Tribune
Le Quotidien d'Oran
La Nouvelle République

* Côté blogueurs j'ai été déçue par les réactions de nos compatriotes "sans origines", en grand égoistes qu'ils sont trop souvent, ils répugnent à admettre la révolte comme dernière solution à l'indifférence (la marche pacifique de 1983 a-t-elle changée quoi que ce soit?), ils refusent de se remettre en question et ne veulent pas céder au "chantage des racailles".. ils peuvent parfois comprendre le malaise mais si les jeunes se plaignent qu'ils le fassent en silence et qu'ils ne viennnent pas perturber le petit confort du petit citoyen moyen qui chérit sa twingo bien plus que la vie de 2 jeunes..

heureusement ils sont pas tous cons et Archignac le prouve bien!

France t'as le feu au cul, par Archignac

* Une réaction glannée sur le forum du monde:

"Pour une fois, merci à TF1.Emission "7 à 8", extrait diffusé au zapping de ce soir..édifiant.

Caméra et micros cachés, un contrôle d'identité auprès de 3 ou 4 d'jeunes dans un quartier plutôt "chaud" ces derniers jours.

Tutoiement de rigueur pour les policiers.- L'un des jeunes dit poliment "on vous vouvoie et vous nous tutoyez"- "Ta gueule"- Le d'jeune continue de protester contre "ce manque de respect"- le flic : "tu veux que je te conduise à un transformateur EDF, tu veux griller comme tes copains?"-la "blague" sur le transfo est réitérée 3 ou 4 fois au moins entrecoupées de quelques "ta gueule"- L'un des d'jeune dit "c'est pas comme àa que vous rétablirez le calme dans le quartier"- l'un des flics répond "mais j'en ai rien à foutre, si tout pète, nous à la limite, on est content"

Que fait Sarkozy?Pourquoi ne s'est-il pas déjà rendu dans ce commissariat pour taper du poing sur la table et dire à ces flics qu'ils sont la honte de la police nationale et que tout dérapage entraînera une sanction lourde?Que des fonctionnaires de police puissent se comporter ainsi, là, je ne sais plus quelle est "la racaille" qu'il faut "nettoyer au karcher"..."

* J'ai bien évidement dû faire un tri drastique dans les réactions qu'on lit en ce moment, la majorité reprennant les discours méprisants du gouvernement et de l'extrème droite..

2 Comments:

Blogger Lille-Oran said...

kyranis> assurément sur ce point on aurait tous pu être sociologues mais malheureusement ce genre de propos a toujours plus de poids quand c'est dit par un Alain..

11:40 AM  
Anonymous Anonyme said...

L'article de Touraine est éloquent. L'universalisme à la française est discriminant, ce qui est un comble, et totale car il est visible non seulement socialement mais aussi dans les structures mentales.

Merci d'être passé me voir :-))

11:54 AM  

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